Ce 16 novembre 2023, la Chambre a voté la loi relative à à l'approche administrative communale, à la mise en place d'une enquête d'intégrité communale et portant création d'une Direction chargée de l'Évaluation de l'Intégrité pour les Pouvoirs publics. Malgré les nombreuses oppositions de la part des associations des Villes et communes, ce nouvel instrument verra bel et bien le jour prochainement.

I. Contenu de la loi

Cette loi a pour vocation de permettre aux communes de lutter contre la criminalité souterraine sur leur territoire.

Sur base d’un arrêté royal, qui sera publié prochainement, les secteurs économiques et activités qui pourront faire l’objet d’une enquête d’intégrité seront listés. L’élaboration de cette liste fera partie de l’une des missions octroyées à un nouvel organe mis en place par cette loi : la DEIPP (Direction chargée de l’Évaluation de l'Intégrité pour les Pouvoirs publics).

Ensuite, les communes pourront décider de prendre ou de ne pas prendre un règlement communal listant les secteurs et activités économiques qui feront l’objet d’une enquête d’intégrité. Elles pourront décider de lister toutes les activités reprises dans l’arrêté royal ou certaines d’entre elles seulement.

Le but de ces enquêtes d’intégrité est de vérifier s’il existe un lien entre l’établissement et des faits punissables relatifs à la criminalité organisée et déstabilisante, dans ce cas la commune pourra décider de fermer l’établissement ouvert ou de ne pas accorder les permis nécessaires à l’ouverture d’un nouvel établissement.

Dans le cadre de ces enquêtes d’intégrité, les communes pourront consulter des bases de données diverses et/ou demander un avis à la Police locale et/ou au CIEAR (Centre d’Information et d’Expertise d’Arrondissement).

Certaines bases de données dont la consultation est rendue possible via cette loi sont encore à créer, il s’agit notamment de la base de données qui regroupera toutes les décisions en matière d’enquêtes d’intégrité au niveau des différentes communes. Ainsi, les communes auront la possibilité de vérifier si un établissement est répertorié dans cette base de données, car il a fait l’objet d’une fermeture dans une autre commune.

II. Missions de la DEIPP

La DEIPP est créée au sein du SPF Intérieur. Elle aura différentes missions dont :

  • Proposer des secteurs d’activités afin de les y inclure dans l’arrêté royal listant les secteurs pouvant faire l’objet d’une enquête d’intégrité ;
  • Demander l’accès aux informations pertinentes, dont notamment auprès des autorités judiciaires, de la cellule antiblanchiment, de l’inspection des impôts ou de l’inspection sociale ;
  • Conseiller les communes dans le cadre de l’enquête d’intégrité et donner un avis préalable à la fermeture d’un établissement ;
  • Suivre les derniers développements en matière de criminalité déstabilisante afin de conseiller le gouvernement fédéral.

Comme nous l’écrivions dans nos avis, d’un point de vue plus pratico-pratique, cette loi impose aux communes de faire une demande d’avis auprès de la DEIPP avant de procéder à la fermeture d’un établissement ou au retrait du permis d’exploitation de ce dernier.

Cela constitue une difficulté d’application de cette loi sur le terrain.

III. L’impact sur les communes bruxelloises

À plusieurs reprises, Brulocalis a eu l’occasion d’exprimer son avis quant à cette loi. Différentes inquiétudes en sont ressorties.

Il s’agit notamment de la question de la séparation des pouvoirs et du fait que la lutte contre la criminalité est indéniablement une compétence du pouvoir judiciaire et en aucun cas celle des communes.

Ensuite, cette loi constitue un énième report de charges vers les autorités locales sans contrepartie adéquate.

D’ailleurs, l’une de nos inquiétudes principales concerne la faisabilité des injonctions de cette loi sur le terrain. Nous nous questionnons quant au type de fonctionnaire communal qui serait chargé d’effectuer ces enquêtes d’intégrité. Actuellement, ce type de profil n’existe pas et aucune formation n’est prévue par le projet de loi.

Si certaines communes décident de ne pas prendre un tel règlement communal, elles s’exposent à un risque de shopping de la criminalité, c’est-à-dire que les exploitants malhonnêtes choisiraient de s’implanter dans des communes où aucune enquête d’intégrité ne sera menée.

Enfin, la question des délais intenables pour réaliser toute l’enquête d’intégrité et prendre la décision qui s’impose a été soulevée.

IV. Conclusion

Cette loi constitue un énième report de charges vers les communes et à ce jour, aucune contrepartie financière ou humaine n’a été prévue.

Les autres niveaux de pouvoirs ne parviennent pas à faire face aux grands problèmes de criminalité auxquels notre société est actuellement confrontée (criminalité organisée, trafic de drogues, etc.) et est regrettable de transférer cette responsabilité vers les communes qui, comme nous l’avons évoqué, ne disposent ni des moyens ni de l’expertise nécessaire pour réaliser un tel travail.

Nous espérons que des moyens seront débloqués prochainement pour accompagner les communes dans cet exercice et leur permettre de faire face à cette nouvelle compétence.


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